Islam et Musulmans

Est-il vrai qu’Imâm Abû Hanîfa a rejeté le hadith affirmant que le croyant perd sa foi lorsqu’il commet l’adultère/la fornication, en disant qu’il est contraire au Coran ?

Question :
J’ai lu un hadith disant : « Lorsqu’un musulman commet l’adultère/la fornication, il le fait sans foi (sans être croyant). C’est-à-dire que sa foi lui est retirée à ce moment-là. » Il paraît qu’Abû Hanîfa n’a pas accepté ce hadith, le jugeant contraire au Coran. Est-ce vrai ?
Réponse :
Oui, c’est vrai. Abû Hanîfa rejette ce hadith, rapporté notamment par Tirmidhî et Abû Dâwûd, en disant qu’il est contraire au Coran, selon ce qui est rapporté dans l’ouvrage qui lui est attribué : al-ʿÂlim wa al-Mutaʿallim. Nous citons ci-dessous un passage de la traduction turque de cet ouvrage, que nous vous recommandons de lire :
L’élève (Abû Muqâtil) :
Que dites-vous de ceux qui rapportent ce hadith :
« Quand un croyant commet l’adultère, sa foi sort de lui comme une chemise qu’on enlève, puis elle lui est rendue s’il se repent. » (Abû Dâwûd, Sunna, 15 ; Tirmidhî, Imân, 11)
Si vous acceptez ce hadith, cela revient à adopter les principes des kharijites (une secte qui considère les grandes fautes comme causes d’apostasie).
Si vous hésitez à ce sujet, vous doutez alors des fondements de leur secte et vous revenez sur la vérité que vous avez exprimée.
Et si vous niez les propos des transmetteurs, ils vous accuseront d’avoir rejeté la parole du Prophète ﷺ, car selon eux, ce hadith a été transmis par des personnes dignes de confiance jusqu’au Prophète.
Le savant (Abû Hanîfa) :
Démentir un propos ne signifie pas forcément dire : « Je traite de mensonge la parole du Prophète ﷺ. »
Mais si quelqu’un dit :
« Je crois en tout ce que le Prophète ﷺ a dit, mais je suis convaincu qu’il n’a jamais ordonné le mal, ni contredit le Coran », alors il confirme la véracité du Prophète et le préserve de toute contradiction avec le Livre d’Allah.
Si le Prophète avait contredit le Coran ou inventé de lui-même des propos au nom d’Allah, Allah lui aurait ôté sa force et aurait coupé son aorte, comme indiqué dans ce verset :
« S’il avait inventé quelque parole contre Nous, Nous l’aurions saisi par la main droite, puis Nous lui aurions tranché l’aorte. Et nul d’entre vous n’aurait pu l’en empêcher. » (Sourate al-Ḥaqqa, 69/44-47)
Le Messager d’Allah ne contredit pas le Livre d’Allah. Et celui qui contredit le Livre d’Allah ne peut être Son Messager.
Le hadith en question est contraire au Coran, car dans le verset :
« La femme et l’homme fornicateurs… » (Sourate an-Nûr, 24/2),
Allah ne retire pas la qualité de foi (īmân) aux fornicateurs.
De même, dans ce verset :
« Ceux d’entre vous qui commettent la turpitude… » (Sourate an-Nisâ’, 4/16),
le terme « d’entre vous » désigne les musulmans, non les juifs ou les chrétiens.
Il n’est donc pas juste de dire que rejeter un hadith contraire au Coran équivaut à rejeter ou accuser de mensonge le Prophète ﷺ. Il s’agit plutôt de rejeter celui qui attribue un faux propos au Prophète. L’accusation concerne le transmetteur, pas le Messager ﷺ.
Tout ce que nous savons que le Prophète a dit — ou même ce que nous ne savons pas —, nous l’acceptons et y croyons. Nous attestons qu’il n’a jamais ordonné ce qu’Allah a interdit, ni empêché ce qu’Allah a ordonné de transmettre. Il n’a jamais décrit les choses autrement que comme Allah les a décrites.
Nous attestons aussi qu’il a toujours été en conformité avec les ordres d’Allah, sans jamais introduire d’innovation (bidʿa), ni attribuer à Allah ce qu’Il n’a pas dit.
C’est pour cela qu’Allah dit dans le Coran :
« Celui qui obéit au Messager obéit à Allah. » (Sourate an-Nisâ’, 4/80)
(Source : İmam-ı Azam’ın Beş Eseri, trad. Mustafa Öz, 2e éd., İFAV Yayınları, İstanbul, 1992, el-ʿÂlim ve’l-Mutaʿallim, p. 24-25)

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